Maures et chrétiens

La journée d’ouverture des Maures et Chrétiens de Dénia débute par une proclamation émouvante : une personnalité choisie par la FEMMICC (Fédération des Maures et Chrétiens), étroitement liée à la ville et à la fête, annonce publiquement le début des célébrations. Sa voix résonne sur les places et dans les rues, scellant l’ouverture d’une période pleine de lumière, de poudre et de tradition. Ce discours fait pont symbolique entre l’histoire locale et la ferveur collective, prélude aux jours de défilés, de musique et de culture festive.

Vient ensuite la remise symbolique des clés : le maire de Dénia confie les clés de la ville au président de la FEMMICC, acte qui remet la conduite des fêtes aux festeros. Le hissage des drapeaux sur la Plaça del Consell ritualise le passage du quotidien au festif. Dès lors, Dénia entre officiellement en mode fête jusqu’au 16 août, jour de Saint Roch.

Filaes maures

Le versant maure s’inspire des taïfas de Daniya, des peuples berbères et de la tradition islamique médiévale qui marqua Dénia : couleurs intenses, croissant de lune, références au désert, à la mer et à la culture arabe.

• Amaríes (1980) : pionniers de la fête moderne ; nom évoquant la dynastie Amirí qui régna sur Dénia et les Baléares au XIᵉ s.
• Almoravides (1980) : hommage à la célèbre confédération guerrière, clé dans l’histoire de Valence.
• Walíes (1980) : walí = gouverneur ; palette symbolisant désert et mer.
• Alkamar (1999) : première filà féminine maure ; al-qamar = lune ; marche festive « Filles de la lune ».
• Berbères–Touaregs (2004–2005) : fusion de deux filaes, écu commun.
• Abencerrajes (2006) : référence à la lignée grenadine légendaire.
• Amazigh : filà féminine, esprit libre des Berbères.
• Pirata Berberisca (2011) : filà féminine rendant hommage aux razzias corsaires méditerranéennes.

Filaes chrétiennes

Le versant chrétien commémore l’arrivée de Jaume I et le repeuplement qui suivit la Reconquête ; esthétique inspirée des ordres militaires, des chevaliers croisés et des marins défenseurs du littoral.

• Deniers (1980) : première filà chrétienne ; avec les Maures, fondations de la fête moderne.
• Templaris (1987) : mémoire de l’Ordre du Temple, présent à Dénia après la conquête.
• Cavallers del M’en Fot : plus de 30 ans d’histoire ; devise : vivre la fête à leur manière.
• Almogàvers (1997) : filà féminine inspirée des soldats aragono-catalans ; cri : « Desperta ferro ! »
• Mozarabe (2000) : hommage aux chrétiens vivant sous domination musulmane.
• Marins Corsaris (2002) : référence aux corsaires chrétiens défenseurs de la côte.
• Creuats (2005) : chevaliers croisés ; emblème : grande croix bleu-violet.
• Guerrers Hospitalaris del Rei Jaume I (2007) : évocation de l’Ordre de Saint-Jean (habit noir, croix de Malte).

Le Défilé du Grand Gala est, sans aucun doute, l’événement le plus majestueux et le plus spectaculaire des fêtes des Maures et des Chrétiens de Dénia, une célébration qui allie histoire, tradition et sens du spectacle. Après le débarquement et les premières escarmouches, le défilé des enfants ouvre la voie à ce grand rendez-vous qui ne se limite pas à une simple parade : c’est une véritable démonstration de puissance festive, où les filaes maures et chrétiennes exhibent leurs costumes les plus somptueux au rythme des marches festives en descendant la rue Marqués de Campo.

Chaque filà — et plus encore la filà capitana — transforme son passage en un spectacle de fierté et d’ingéniosité collective : chars, chorégraphies, bannières, chevaux, chameaux, danseurs, acrobates et porte-drapeaux emplissent le parcours de couleurs, de musique et de théâtralité, au point de suspendre la vie de la ville pour admirer ce moment unique. Le défilé symbolise à la fois la rivalité historique entre Maures et Chrétiens et la coexistence festive qui caractérise Dénia aujourd’hui, offrant aux habitants comme aux visiteurs une expérience inoubliable, officiellement reconnue comme fête d’intérêt touristique au niveau régional.

Le Boato
Au cœur du Défilé de Gala se trouve le Boato, l’apparat, grande mise en scène qui accompagne le rang de la capitainerie. C’est une histoire racontée en mouvement : chaque année, les capitaineries maures et chrétiennes composent de nouveaux récits pour transmettre leur identité, leur imaginaire et leur force tout au long du parcours.

L’apparat englobe tous les éléments qui entourent la filà capitana : des costumes et de la musique aux chars, à la danse, à la cavalerie et aux effets visuels. Sa préparation représente l’investissement le plus important de la capitainerie, fruit de la collecte de l’année précédente et de la capacité créative et organisationnelle de chaque filà. Ainsi, chaque édition est une première qui ne se répète pas et qui rehausse encore la valeur du défilé.

Le Primer Trò
Au sein de l’organisation interne de chaque filà, on distingue la figure du Primer Trò, la plus haute fonction représentative, équivalent du « président » dans d’autres fêtes comme les Fallas. Cette charge, généralement rotative et d’une durée d’une année festive, implique de coordonner la filà et de représenter ses membres lors de tous les événements. L’élection du Primer Trò se fait par vote interne des festaires, ce qui renforce le caractère démocratique, participatif et communautaire de ces groupes.

Dates
14 août : défilé des enfants · 15 août : Défilé de Gala.

La célébration du Mig Any à Dénia marque une étape émotionnelle pour les groupes maures et chrétiens : c’est l’« équateur » festif, le moment où la communauté constate que six mois se sont écoulés depuis les grandes fêtes d’août et qu’il en reste six avant de les revivre. Bien qu’il ne soit pas rattaché à une tradition historique précise, cet acte naît du désir partagé de maintenir la passion festive et la fraternité au sein des filaes.

Pendant le Mig Any, les participants revêtent leurs costumes de fête, arborent les couleurs et les symboles de leurs filaes et défilent dans les rues dans une atmosphère à la fois informelle et joyeuse, accompagnés par la musique de la fanfare. C’est aussi le moment de la présentation officielle des charges — capitaines, porte-drapeaux et ambassadeurs — lors d’un événement qui culmine avec un banquet de fraternité, où se mêlent retrouvailles, mémoire commune et projection vers l’avenir du festival. Le Mig Any est ainsi une réaffirmation de l’engagement émotionnel envers la tradition ; une réunion qui anticipe la grande fête et renforce les liens entre les protagonistes et l’ensemble de la communauté festive.

Date : chaque année, fin février.

La fête de Sant Roc à Dénia, organisée par la Confrérie de Sant Roc depuis le début du XVIIᵉ siècle, mêle dévotion religieuse et célébration populaire dans un programme qui jalonne le mois d’août d’événements pour tous les publics. Sur le versant dévotionnel, se distinguent la messe solennelle en l’honneur du saint, suivie de la traditionnelle distribution du pain béni, ainsi que la procession au cours de laquelle l’effigie de Sant Roc parcourt les rues — témoignage vivant de la foi et de la tradition de Dénia.

Mais les fêtes de Sant Roc vont bien au-delà de l’aspect liturgique. Les mayorals — responsables de l’organisation — coordonnent des activités participatives profondément ancrées : tournois sportifs, dégustations gastronomiques de rue, fêtes populaires et, certaines années, un feu d’artifice qui clôt le programme.

Ce rendez-vous trouve ainsi un équilibre entre spiritualité, culture et divertissement, devenant un point de rencontre festif qui s’articule avec les Maures et Chrétiens et associe habitants et visiteurs dans une ambiance conviviale et résolument locale.